Manuel Puccetti est parti de zéro, construisant en quelques années l’une des formations les plus prestigieuses du Championnat du Monde Superbike. Depuis Reggio Emilia, siège de l’équipe, il part à la conquête, cimentant la relation technique avec Kawasaki en découvrant des talents. Celui qui a le plus progressé est Toprak Razgatlioglu, qui est parti des ligues inférieures avec l’équipe italienne et a ensuite célébré ses premières victoires en championnat du monde. Ensuite, le Turc est allé chez Yamaha, remportant le championnat du monde du premier coup. Vision, débrouillardise et une bonne dose de courage : tels sont les ingrédients que le jeune manager d’Emilia a savamment mélangés pour réussir. Oui, du courage : Manuel Puccetti a posté sur les réseaux sociaux une photo le montrant devant le Kremlin, à Moscou, par une fin d’après-midi lumineuse mais glaciale. À Moscou pour faire quoi?
« Nous nous accrochons à un partenaire précieux »
En ces temps sombres de chasses aux sorcières mutuelles, de sanctions économiques et de climat de guerre, un manager italien sur la Place Rouge surprend. Joint au téléphone alors qu’il se promenait dans la capitale russe, Manuel n’épargne aucun détail. « Je me suis envolé pour Moscou pour renouveler l’accord avec Umatex, qui est notre partenaire technique depuis cinq ans” explique Puccetti. « C’est l’un des plus grands producteurs de fibre de carbone au monde, l’un des cinq premiers : ils construisent nos carénages et toute l’infrastructure carbone de la Kawasaki Ninja Superbike. Ils nous apportent aussi beaucoup de soutien pour le développement de l’aérodynamisme du véhicule ». Puccetti Racing disputera le Championnat du monde 2023 avec le Britannique Tom Sykes, ancien champion du monde.
Qu’est-ce qu’Umatex
Précision obligatoire : Umatex n’est pas n’importe quelle entreprise. Il fait partie de la galaxie Rosatom, c’est-à-dire le géant de l’énergie industrielle contrôlé par le gouvernement russe. Toute la chaîne d’approvisionnement nucléaire russe dépend de Rosatom : construction et gestion des centrales électriques, contrôle des matières combustibles et tout le reste. Question obligatoire : avec les sanctions mises en place par les gouvernements occidentaux, comment est-il possible pour une écurie de course italienne d’entretenir une relation de ce genre ? « Avec le carénage conçu et construit en Russie par Umatex, notre Toprak Razgatlioglu a remporté sa première course en Championnat du Monde Superbike à Magny Cours en 2019. C’est une relation technique et commerciale qui dure depuis de nombreuses années, on s’entend très bien . La situation internationale n’interfère en rien avec notre relation d’approvisionnement en matériel et de parrainage. Nous nous entendions à merveille, c’est une relation basée aussi sur l’amitié mutuelle. Bref, malgré tout, on continue.
Sans peur
A ce stade, on ne peut s’empêcher de poser une autre question à Manuel Puccetti : ne craignez-vous pas que cette étroite collaboration avec les Russes puisse créer des problèmes ? « Eh bien, quelqu’un devra critiquer, mais nous continuons. Je suis convaincu qu’aucune crise ne doit affecter les relations établies, ni interrompre les relations établies pendant de nombreuses années. » Incidemment : immédiatement après le déclenchement de la guerre en Ukraine, la Fédération internationale a évincé les coureurs russes et biélorusses de toutes les disciplines des compétitions moto de tous niveaux, à l’échelle mondiale. Décision que de nombreux passionnés ont critiquée : il y a ceux qui pensent que le sport, comme l’art, doit unir les gens malgré tout, pas diviser.
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