Les courses de sprint ne suffiront pas à relancer le salon MotoGP, du moins tel qu’il est structuré actuellement, sans le bon cadre marketing. Ils ne serviront pas non plus à amener plus de spectateurs dans les tribunes, si Dorna ne prend pas conscience qu’avec l’ère Valentino Rossi terminée, il faut quelque chose de plus pour éviter de sombrer dans le rouge (nous ne parlons pas de Ducati). Avec le manager Carlo Pernat, nous avons fait le bilan de la saison qui s’est achevée il y a un mois et lancé un regard sur la prochaine Coupe du monde.
Les perspectives du MotoGP ne s’annoncent pas roses…
Nous devons beaucoup à Dorna, quand elle nous a repris en 1992, nous étions honnêtement un peu gitans. Certains avaient des pantalons rouges, d’autres des chemises jaunes, d’autres vertes… Nous n’étions pas très professionnels. Elle est entrée, elle a fait une belle opération marketing et à mon avis elle a bien travaillé jusqu’en 2020. Puis la pandémie a un peu tout gâché, manque de spectateurs, elle a certainement perdu beaucoup d’argent, alors le fonds Bridgepoint a mis la pression sur Dorna. À ce moment-là, Dorna a pris des décisions instinctives plutôt que de raisonner à leur sujet. Il y avait deux chemins : soit vous preniez deux managers comme la F1, par exemple un Davide Brivio et un commercial, soit vous preniez un chemin plus familier. Il a parfaitement le droit de le faire, mais les premiers signes ne sont pas très positifs, car au lieu d’engager des professionnels, il a pris des membres de sa famille.
C’est très dangereux, c’est un championnat du monde, certaines décisions doivent être prises au bon moment et avec les bonnes personnes. Par exemple, la décision viscérale de ces courses de sprint, sans en parler avec les coureurs ni même avec les constructeurs, est incompréhensible. Avec tous les problèmes liés, car s’il y a des courses de sprint il faut aussi qu’il y ait des primes pilotes. L’assurance coûte beaucoup plus cher… Vous pourriez faire comme la F1, n’en faire que quatre ou cinq et comprendre ce qui en est ressorti. C’est une décision qui, à mon avis, n’a aucune logique.
La baisse des ventes de billets est-elle un signe inquiétant ? Quelles sont les raisons?
Dorna n’a pas su gérer après Valentino Rossi. Après une telle époque, il fallait faire quelque chose, au moins comprendre quel était le problème, au lieu de cela, il a été sous-estimé. Au Mugello, par exemple, où il y a eu un massacre de billets, ils ont nommé Valentino ‘MotoGP Legend’. Mais vous ne le faites que vingt minutes en salle de presse ? Il fallait inviter tous les fans de Rossi, leur faire faire quelques tours de moto, faire une parade avec les pilotes… il fallait gérer ça d’une autre manière. Cela signifie pas de commercialisation. Ensuite, une fois l’ère Valentino terminée, vous avez besoin de personnages et vous devez les construire. Heureusement qu’il y a eu Ducati avec Pecco Bagnaia qui a apporté un peu d’enthousiasme, les médias ont bougé, ils parlent plus de motos. Mais ce n’est pas la façon de gérer… Dorna doit mettre en place des contrôles de prix, essayer de faire venir les gens au paddock à partir de jeudi, amener les fans à parler aux coureurs. Quand une ère se termine, si vous ne le faites pas, vous vous trompez.
Les courses de sprint pourront-elles relancer le championnat MotoGP en termes de divertissement ou s’agira-t-il d’un trou dans l’eau ?
Les courses de sprint ne sont pas le signe d’un redémarrage, on pourrait même s’en passer, je ne vois pas à quoi elles peuvent servir. Oui, pour faire venir les gens le samedi. Mais puisque vous courez la course le samedi, obligez les chaînes payantes qui ont acheté les droits télévisuels à les diffuser en clair, vous faites ainsi la promotion de la course le dimanche. Ce sera une course de sprint négative, car les coureurs devront se battre pour faire plus de tours, vous risquez de ne pas tomber et de ne pas faire les autres courses… Ce sont des choses qu’il fallait évaluer et voici le manque de la Fédération Internationale qui, au lieu de battre sur la table, se livrent à tout.
Vous avez dû entendre la « bombe » de Jorge Viegas sur le passage presque évident du team VR46 à Yamaha pour la saison 2024…
C’est n’importe quoi, on est dans le plus pur amateurisme, je ne sais que dire.
Comment va Enea Bastianini pendant cette trêve hivernale ?
Quand tu te retrouves dans une équipe officielle, tu as atteint ton objectif, tu as hâte de commencer. Déjà dans les tests de Valence, on pouvait voir qu’il était excité, il a toujours rêvé de l’usine Ducati, il y est arrivé grâce à lui en remportant quatre GP, maintenant il doit battre un champion du monde qui est son coéquipier. A mon avis ce sera un beau championnat, je suis convaincu qu’Enea se battra pour la coupe du monde, mais ça ne veut pas dire la gagner.
Peut-être que Bagnaia-Bastianini sera la bouée de sauvetage du MotoGP…
J’espère que Marquez reviendra aussi, même si c’est difficile avec une Honda de ce genre. Il ne peut pas porter la croix… Il y a aussi Yamaha avec Quartararo, mais Ducati a réveillé l’envie de motos. Bagnaia jouera à nouveau la Coupe du monde. On a besoin de caractères comme dans tous les sports individuels. Quand tu as le caractère tout le monde surfe sur la vague, quand tu n’as pas le caractère… Bonne nuit.
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