Dans ce 2022, la Suisse avait son champion du monde. Dominique Aegerter il a remporté deux titres, celui en MotoE et ensuite l’iris Supersport. Le dernier exemple du motocyclisme plus vivant que jamais, presque une contradiction si l’on pense à son pays d’origine. Il n’y a plus de circuits de « championnats du monde » ni de courses de vitesse en raison d’une interdiction imposée par le gouvernement suisse en 1958 et abrogée seulement en juin dernier. Malgré cela, la Suisse a continué à produire des motards de haut niveau, certains même champions. Vous souvenez-vous de tous les prédécesseurs d’Aegerter ? Passons-les en revue.
L’interdiction
La suspension avait commencé en 1955, pour devenir officiellement une interdiction en décembre trois ans plus tard. A partir de ce moment, toutes les courses de vitesse avec des véhicules à moteur, tant sur circuits que sur route, en présence de public sont interdites sur le territoire de la Confédération helvétique. Une décision prise à la suite des tristement célèbres 24 Heures du Mans, marquées par la mort de 83 spectateurs, un pilote et la blessure de 120 autres personnes. Il y eut aussi quelques autres championnats les années suivantes, comme le motocross par exemple, mais justement pas de vitesse sur piste. C’est également pour cette raison que Bremgarten et le Circuit des Nations (Genève), lieux des étapes du championnat du monde du « jeune » championnat du monde de MotoGP, ont littéralement disparu depuis un certain temps. Une interdiction qui n’a finalement été levée qu’en juin dernier. Un mouvement suisse recommencera-t-il à fleurir comme dans d’autres pays du continent européen ? S’il faut souligner que le mouvement moto ne s’est jamais arrêté, Dominique Aegerter n’en est que le dernier exemple en date.
Luigi Taveri
Nous nous souvenons du légendaire champion suisse qui a été intronisé au Temple de la renommée du MotoGP cette année seulement. Le seul capable de marquer des points dans toutes les catégories existant à son époque : 50cc, 125cc, 250cc, 350cc, 500cc, même les side-cars. Mais surtout, les trois titres mondiaux sont arrivés en 125cc avec Honda en 1962, 1964 et 1966. Comme on peut le voir en comparant les années, l’interdiction était déjà en vigueur lorsque Taveri a amené la Suisse à trois reprises au sommet du monde. Cela n’a pas suffi à l’empêcher d’être un bel exemple pour ses compatriotes qui sont ensuite passés au championnat du monde.
Fritz Scheidegger
A l’époque, le Championnat du monde de vitesse comprenait aussi les « trois-roues », les mythiques side-cars. Après des années de Britanniques et d’Allemands gonflés, voici la Suisse avec son premier champion. Scheidegger (jumelé avec le Britannique John Robinson) a pris toute la scène au cours de la période de deux ans 1965-1966, amenant le pays suisse au sommet pour la première fois dans la spécialité. Une période de deux ans stellaire, même si la deuxième année est plus controversée : le titre est initialement supprimé en raison de prétendues irrégularités concernant l’essence, mais plus tard, ils retrouvent l’iris. Après cette double couronne, les Allemands et les Britanniques élèvent à nouveau la voix, jusqu’à ce qu’un autre talent suisse arrive pour avoir son mot à dire.
Rolf Biland
En fait, nous continuons dans les side-cars, étant donné que le pilote suisse aujourd’hui à la retraite était l’un des meilleurs représentants. Sept titres mondiaux ne viennent pas vraiment par hasard ! L’histoire gagnante de Biland commence en 1978 : jumelé avec le britannique Kenny Williams, il prend le premier iris de sa carrière. Plus tard, il fera équipe avec son compatriote Kurt Waltisperg : le duo suisse sera constamment protagoniste et les titres mondiaux se multiplieront. Triomphes sur la feuille de match en 1979, 1981, 1983, pour conclure avec le triennat stellaire 1992-1994.
Bruno Holzer
Toujours dans les ‘trois roues’ il y a aussi l’histoire de ce pilote suisse. Son moment de gloire ne fut qu’un, précisément l’année 1979, l’avant-dernière de sa carrière mondiale. En effet, jumelé avec son compatriote Karl Meierhans, il a obtenu le premier et unique titre dans la catégorie B2B des side-cars. On parle d’un champion du monde en particulier : en effet, la couronne mondiale est venue sans une seule victoire de la saison ! Un des rares coureurs, cinq en tout, capable de s’imposer de cette manière : voici tous les noms.
Stefan Dorflinger
Toujours le seul pilote suisse capable de gagner dans plus d’une catégorie dans le championnat du monde en cours. On parle des « petites » classes, à savoir les 50cc et 80cc, mais cela ne veut pas dire qu’elles ont moins de valeur, loin de là. Pour Dörflinger c’est quatre iris consécutifs entre les deux classes. Il a été le dernier champion du monde des «moustiques», précisément dans la période de deux ans 1982-1983, tandis que dans les deux saisons suivantes, il a remporté le titre dans le nouveau-né 80cc, avec une histoire très courte.
Thomas Luthi
Il est l’un des deux derniers champions en vitesse. Il a pris sa retraite en 2021 et est désormais directeur sportif de l’équipe PrüstelGP en Moto3, tout en s’occupant de jeunes talents (il a été manager de Jason Dupasquier, succède désormais à Noah Dettwiler). Pas avant d’avoir écrit un morceau d’histoire pour son pays. En fait, en 2005, Lüthi est devenu champion du monde en 125cc, toujours le dernier pilote suisse à remporter le championnat du monde. En plus d’être l’un des très rares pilotes avec 300 GP disputés dans le championnat.
Randy Krummenacher
Dans l’ordre chronologique, voici le dernier champion du monde suisse dans le monde de la vitesse, quoique dans les dérivés de production. Il a également été longtemps en championnat du monde, mais son seul iris est venu lorsqu’il est passé en Supersport. Nous sommes en 2019, le pilote Grüt en est à sa deuxième année chez Yamaha et parvient à se hisser au sommet du monde. Krummenacher était donc le dernier champion de l’histoire de la vitesse à deux roues suisse, du moins jusqu’au double triomphe d’Aegerter cette année. Le petit dernier d’un petit club de champions suisses.
Pas seulement des hommes
De nombreux protagonistes suisses au niveau international, même s’ils ne sont pas champions. On cite aussi la jeune Marie Lambert, née Marie Laure Rosine Page, à l’histoire courte et malheureuse. Née en 1935, la pilote était conductrice de side-car, passagère aux côtés de son mari Claude Lambert. Malheureusement son histoire au niveau mondial s’interrompt très vite, précisément sur l’Ile de Man, quatrième manche de la saison 1961. Pour elle c’est ses débuts en TT, alors que son mari avait déjà couru l’année précédente. Un problème mécanique pendant la course fait perdre le contrôle du sidecar à plus de 160 km/h. Claude s’en tire avec une jambe cassée, Marie est éjectée du véhicule et souffre de blessures graves, mourant quelques minutes plus tard.
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Photo: worldsbk.com