Les passionnés de Superbike sont conservateurs et forment leur jugement sur l’expérience de la piste plutôt que sur les attentes futures. A un mois et demi du début du Championnat du Monde à Phillip Island, en Australie, il y a dans les yeux des gens un instantané des deux dernières saisons. La Ducati Panigale V4 est considérée comme la référence incontestée et Alvaro Bautista comme le pilote invincible. Images sculptées par les faits : en 23, le petit madrilène a remporté 27 victoires en 36 courses, atteignant l’objectif hyperbolique de 59 triomphes en trois saisons au bord de la Ducati. En peu de temps, il est devenu le pilote rouge le plus titré non seulement sur le front du Superbike, mieux que des monstres sacrés tels que Carl Fogarty ou Troy Bayliss, mais aussi que n’importe quel autre pilote Ducati de l’histoire. Depuis 2019, il y a l’avantage de la Superpole Race, qui a un peu gâché les statistiques, mais ce sont quand même des chiffres qui font peur.
Le lourd fardeau
Mais il y a un problème : en 2024, le scénario réglementaire va radicalement changer. La nouvelle règle sur le poids combiné pilote-vélo obligera Alvaro Bautista à supporter un poids de six kilos de lest. Qu’il continue à gagner n’est pas une évidence. En fait, ce serait une énorme surprise si cela se produisait. Le gros problème pour lui est qu’ils ont inventé une pénalité pratiquement ad personam, car parmi les prétendants au Championnat du Monde Superbike, lui seul est si léger. Dans « ordre courrant», c’est-à-dire qu’avec tous les vêtements nécessaires, Bautista atteint à peine 66,5 kg, loin des 80 kilos « idéaux » fixés par la norme. La moitié de ce delta déterminera le lest, donc dans votre cas il sera d’environ six kilos. Sur un vélo de course (la limite de poids Superbike est de 168 kilos), une telle masse est un facteur d’impact énorme. Le poids supplémentaire peut affecter la maniabilité, le freinage et l’usure des pneus. C’est notamment ce dernier aspect qui inquiète le plus Alvarito, qui a bâti sa domination sur la gestion du grip.
Tir ami
Dans le même temps, les marques les plus en retard, comme Kawasaki, Honda et BMW, bénéficieront d’avantages réglementaires considérables, étant donné que – par exemple – elles pourront également intervenir sur certaines pièces internes du moteur, en les modifiant par rapport aux composants approuvés. Mais probablement, pour Bautista, le lest est l’élément prédominant. Car, comme mentionné, rien ne changera pour Toprak Razgatlioglu et Jonathan Rea, alors que pour Alvaro, ce sera le cas. Mais ce n’est pas tout, car il faudra également tenir compte des tirs amis. Avec la même Panigale V4 R, son coéquipier Nicolò Bulega n’aura pas à monter de lest, et il en sera de même pour Andrea Iannone, Danilo Petrucci et les autres pilotes Ducati « satellites ». Bautista sera donc également en (sévère) infériorité technique par rapport à ses camarades de marque.
Combien de temps peut-on tenir à 40 ans ?
Comme si le lest ne suffisait pas, il y a aussi le… poids de l’âge. En novembre, Bautista atteindra le cap des 40 ans. Il pourra suivre le réconfortant précédent de Max Biaggi, qui a signé en 2012 son sixième Championnat du Monde, son deuxième en Superbike avec Aprilia, à 41 ans. Le même champion romain a pris sa retraite ponctuelle en Malaisie trois ans plus tard, en 2015. Et ce n’était pas une participation pour l’honneur de signer, mais d’un très haut niveau. Bautista a renouvelé son mandat pour un an seulement, laissant toutes les possibilités ouvertes. S’il parvenait, malgré le handicap, à défendre le numéro 1, il égalerait les trois Championnats du Monde Superbike du légendaire Troy Bayliss. Compte tenu des prémisses, ce serait une entreprise titanesque. À ce jour, Bautista est toujours indiqué comme le coureur à battre, mais ces six kilos changent radicalement l’horizon 24.