Contre-ordre, camarades : le 15 février dernier, la Fédération Internationale de Motocyclette a annoncé que la proposition d’inclure le poids combiné pilote-moto dans le Championnat du Monde Superbike était “exclu”, c’est-à-dire annulé. Mais le 11 octobre, soit huit mois plus tard, le même organisme a annoncé que « lors du World Superbike 2024, (limite) du poids combiné du pilote et de la moto a été établi en accord entre DWO (Dorna), FIM (Fédération) et MSMA (Constructeurs) ». Au moment de l’annonce, les fans ont naturellement émis l’hypothèse que l’année prochaine, la manne des poids plume, en particulier Alvaro Bautista, prendrait fin. Entre lui et les poids lourds du Superbike, comme Scott Redding, il y a environ 30 kilos de différence. Jonathan Rea et Toprak Razgatlioglu, plus ou moins en salade, sont au milieu. En réalité, cela ne se passera pas comme ça…
Bautista s’en sortira avec peu
La limite de poids actuelle s’applique exclusivement à la moto : 168 kilos. La valeur “combinée”, c’est-à-dire incluant le pilote, n’est pas encore connue, mais quelque chose fuit. Il semble que cela se déroulera ainsi : une valeur « moyenne » du poids/coureur sera identifiée, qui incluant les vêtements (combinaison, casque, bottes, gants, protection) est fixée à 80 kilos. Le lest à appliquer au véhicule sera égal à 50% de la différence. Exemple : si le pilote pèse 70 kilos en ordre de marche, le delta est de 10 kilos. Le ballast ne sera donc que de cinq. Bautista pèse 60 kilos, donc en ajoutant des vêtements, on peut supposer qu’il faudra placer 5 à 6 kilos supplémentaires sur la Panigale V4 R. Sur un vélo de course, c’est beaucoup. Considérez que pour économiser quelques kilos, des boulons et bien d’autres composants en alliages très légers sont utilisés. Un tel lest peut grandement influencer l’accélération, les réglages et surtout l’usure des pneus. La gestion du grip est l’un des atouts de Bautista.
Fini la limite de régime
Le poids combiné, sortant par la porte et revenant par la fenêtre, mais ce n’est qu’une des nombreuses innovations techniques du règlement 2024. La principale est la suppression de la limite maximale de rotation du moteur et le mécanisme de réglage plus ou moins qui en résulte, qui a été établi au moyen du fameux algorithme étudié par l’ancien directeur technique de la FIM, Scott Smart. Un échec total, car comme nous l’avons vu, changer plus ou moins le seuil du limiteur n’a pas affecté les valeurs sur le terrain. Ceux qui auraient pu en bénéficier le plus, Kawasaki, n’ont pas pu profiter du bonus car cela aurait nécessité des ajustements structurels sur les composants du moteur (en particulier : l’arbre à cames) qui ne seraient pas autorisés à moins d’avoir des concessions réglementaires supplémentaires, définies sur le sur la base d’un mécanisme très compliqué activé en fonction des résultats. Rea n’était pas assez mauvais pour modifier le moteur.
L’autre côté de la pièce
Cette règle absconse signifiait également que la Ducati de Bautista était obligée de tourner 900 tr/min de moins que le modèle routier. Une contradiction. Dès l’année prochaine la Panigale pourra se pousser jusqu’au seuil d’homologation, soit 16 350 tr/min. Puisque plus de tours signifie plus de puissance, Alvarito se retrouvera entre les mains d’une Rouge bien plus performante au niveau moteur que celle qu’il a pilotée lors de cette saison qui touche à sa fin. Donc l’avantage qu’il perdrait (hypothétiquement) avec le lest, il pourrait le récupérer avec le moteur. Les autres pilotes Ducati, officiels ou satellites, gagnent également plus car, étant plus lourds, ils ne seront pas obligés de se lester (voir Danilo Petrucci…) mais auront plus de puissance, comme Bautista. Comme il nous manque encore certaines valeurs, nous naviguons à vue. Mais il se pourrait aussi que l’âpre bataille que se livrent les géants pour le poids combiné se transforme en boomerang. Sauf si vous conduisez une Rouge.
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