Le Superbike d’antan avait une âme révolutionnaire. Le championnat du monde existait depuis plus de trente ans, mais la série alternative, sortie de nulle part, était rapidement devenue un phénomène coutumier, c’est-à-dire bien plus qu’un championnat sportif réussi. La clé était simple : allez « contre » le statu quo, changer les règles et mélanger les cartes. Pendant des années, un bus à impériale à toit ouvert, débordant de musique et de jolies filles, a fait le tour des centres-villes transportant le « message » bien au-delà de la clôture des circuits. Brands Hatch et Monza ont été envahis par des foules enthousiastes. La foule aime les champions, les motos, le bruit. Mais ce qui a fait la différence, c’est de se sentir partie prenante d’un « mouvement », de partager des émotions et des passions communes.
Avec le changement de propriétaire fin 2012, cet esprit d’aventure s’est perdu. Dorna, le manager du MotoGP, avait vu le Superbike comme le diable, le grand rival, pendant des décennies et une fois qu’ils ont mis la main dessus, le premier objectif était de le gérer comme s’il s’agissait d’un championnat de moto « normal », un personnage que Superbike n’a jamais eu. L’objectif premier était de réduire son ampleur, la production de bruit de fond qui avait longtemps mis en péril la suprématie commerciale des médecins généralistes. Enfin le promoteur, ou du moins la division qui s’occupe de la gestion du Superbike, a compris que ramener le WorldSBK à sa nature révolutionnaire il est essentiel de grandir le succès.
Imola, épreuve appréciée de tous les coureurs, équipes, constructeurs et public, a été le laboratoire d’une expérience extrêmement intéressante : amener une installation artistique au centre du paddock. On a choisi une forme qui avait en quelque sorte des points communs avec la moto, c’est-à-dire le Street Art L’effet de surprise a été remarquable, la curiosité a explosé. Les gens se sont arrêtés, non seulement pour regarder, mais beaucoup pour se salir les mains. En participant activement, le mantra clé du marketing d’aujourd’hui, qui valorise l’expérience offerte au public.
« Le Superbike est l’expression sportive des motos de sport de rue, il partage donc le même emplacement physique que l’épicentre de la passion avec le Street Art : la route, en fait.” explique Massimo Gioscia, co-fondateur d’Art-a-porter, l’agence internationale d’art émergent qui a organisé l’installation Imola. « SBK Street Art Challenge était un spectacle de trois jours impliquant vingt artistes de toute l’Italie ».
Les artistes ont suscité beaucoup de curiosité, même de la part des pilotes. Qui suis-je?
« Ils colorent les murs autour de la ville, les parcs, les contextes urbains. Nous les avons emmenés au paddock pour la première fois. Ils ont réalisé des « live action », c’est-à-dire des œuvres en temps réel, impliquant des pilotes et des publics de toutes sortes. Ils ont créé leurs œuvres sur diverses surfaces, même sur le côté d’un de nos camions. Nos artistes ont également dessiné sur des planches de skate, qui grâce à une APP passent du statique au dynamique. Nous avons accompagné le travail des artistes avec de la musique et des talk-shows, le tout en direct.
Comment avez-vous engagé les téléspectateurs ?
« Nous nous sommes installés à côté du Paddock Show, c’est-à-dire la « place » qui accueille les rencontres avec les pilotes, le podium et tout le reste. Nous avons suscité beaucoup de curiosité : les gens se sont arrêtés pour voir les tables, les artistes. Nous avons également accueilli les coureurs, qui « graffiti » leurs signatures au sol, ainsi que les artistes de rue. Il y a eu une sensation immédiate, nous avons réussi à réunir les motos et l’art dans un selfie qui a immédiatement fait le tour des réseaux sociaux.
Le public a-t-il « graffiti » ?
« Oui, c’était l’une des meilleures parties. Un de nos artistes a créé une installation particulière sur laquelle de nombreux passionnés de Superbike ont laissé leur empreinte (voir photo de couverture, éd.). Au verso, nous avons demandé à chaque participant d’écrire ce qu’il pensait du Superbike, ce qu’il pensait ou simplement sa signature.
D’un point de vue d’artiste, comment était-ce d’entrer dans ce paddock ?
« Ils ont trouvé un environnement très fluide, curieux, très ouvert aux nouveautés, même en contraste avec ce que sont les moments d’attraction normaux dans une manche du Championnat du monde. On fait un spectacle, on donne quelque chose en plus. Nous avons également attiré l’attention de nombreuses familles, les enfants sont devenus fous avec les canettes des artistes. L’art est un langage, un message très fort. SBK est un beau spectacle, nous avons ajouté quelque chose de plus. On aime cette ambiance de cirque.
Cette expérience aura-t-elle une suite ?
« On ne dévoile pas les cartes, le but est d’en faire un tour après la Coupe du monde. En 2024, nous serons sûrement dans les manches italiennes, Misano et Imola.
Le Street Art pourrait-il amener le Superbike dans les grandes villes ?
« Bien sûr. Ce pourrait être une opportunité très valable de rapprocher le Championnat du Monde d’un public autre que les passionnés habituels, qui ne savent toujours pas ce qu’est le Superbike. Notre objectif est double : faire en sorte que ceux qui aiment les moteurs se passionnent pour l’art, et que les passionnés de l’art s’approchent des moteurs. Le paddock pourrait être la destination finale d’un tour beaucoup plus large, capable de véhiculer les personnages et le message du WorldSBK dans les environnements urbains : places, rues, villes ».
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