Il n’y a aucun doute : Francesco Bagnaia est le meilleur dans cette partie du MotoGP. En témoigne le naturel avec lequel il bat ses adversaires, remportant les GP par détachement, comme dimanche dernier en Autriche et les statistiques des champions. Depuis le milieu du dernier Championnat du Monde, c’est-à-dire depuis ce fatidique GP d’Allemagne où il est tombé à -91 points de Fabio Quartararo, le drapeau Ducati a remporté la moitié des GP disputés. Cinq sur dix en deuxième partie de saison dernière, couronnant la poursuite des Français avec la Coupe du monde. Pareil dans cette première partie ’23. Au cours des mêmes vingt GP, il a terminé quinze fois sur le podium, ajoutant quatre bougies Sprint au gâteau. Francesco Bagnaia domine la scène comme d’autres grands de la catégorie, le dernier en date par ordre chronologique Marc Márquez de l’âge d’or, c’est-à-dire avant la grave blessure d’il y a trois ans et le gouffre technique dans lequel Honda s’est plongé. Néanmoins….
Bagnaia, il manque toujours quelque chose
À 26 ans, Pecco a déjà remporté deux championnats du monde (le premier en Moto2 en 2018) et commence à en faire un brelan, car on ne voit raisonnablement pas qui pourrait ébranler son leadership dans le sprint MotoGP d’ici là. et novembre. Pourtant, il n’est pas encore devenu un personnage au-delà des frontières de notre sport, et même parmi les fans, nombreux sont ceux qui parlent encore. Malgré les résultats, le talent et la suprématie incontestée, il y a toujours quelque chose qui ne va pas. Certains prétendent qu’il ne gagne que grâce à une Ducati techniquement insaisissable, mais il y en a sept autres sur la piste (dont trois sont des ’23 officielles comme la sienne…) et aucun adversaire/compagnon de la marque n’a le même rythme, la même régularité et la même maîtrise du pilotage. la situation comme lui. Alors ça ne tient pas, les paramètres techniques sont tous de son côté : tour lancé, sensibilité des réglages, gestion de course. Il n’y a aucune faiblesse. Néanmoins…
Le grand antagoniste a disparu
Ce qui manque à Francesco Bagnaia, c’est un grand rival capable d’éclairer ses exploits. L’année dernière, il avait fait une furieuse rentrée sur Fabio Quartararo, mais il n’y a jamais eu de confrontation directe. Pas au début, lorsque le Français gagnait et que Pecco était en difficulté, encore moins à la fin, les rôles étant largement inversés. Pareil cette année : le numéro 1 gagne presque toujours seul, et les dépassements sont désormais rares dans ce MotoGP plein de contradictions techniques. En Autriche, le prince piémontais a participé à un GP extraordinaire, mais à la télévision, il semblait qu’il allait se promener. Pour l’imaginaire populaire, qui a une perception superficielle de l’événement sportif, Francesco Bagnaia a gagné contre personne. Voici quel est le problème.
Le cas Verstappen
Prenez Max Verstappen : c’est vrai que maintenant il est sorti en F1 et l’incertitude ne dure pas longtemps, le temps qu’il faut pour remonter dans le groupe quand pour une raison quelconque il ne part pas devant. Mais le Hollandais volant a remporté il y a deux ans son premier Championnat du Monde dans le dernier tour du GP final, à l’issue d’un duel avec Lewis Hamilton qui a été l’un des plus houleux de toute l’histoire de la F1. Max a renversé du trône un septuple champion du monde, avec courage, ruse et talent. Désormais, le pilote et le personnage vivent de la lumière réfléchie, et avec lui le Championnat du Monde qui, même si le vainqueur est évident, continue de se remplir de public partout.
Donc?
La seule figure mondiale de cette ère MotoGP reste Marc Marquez. Francesco Bagnaia doit donc, plus que d’autres, espérer pouvoir enfin redevenir compétitif, d’une manière ou d’une autre. Soit avec une Honda à nouveau digne de ce nom, soit en enfourchant une autre moto. Pecco vs Marc serait un défi de conte de fées, capable de raviver les discussions, l’intérêt et l’imagination des passionnés. Ce n’est qu’en affrontant un géant, à peu près sur un pied d’égalité, que la parabole sportive de Bagnaia deviendrait globalement attractive. La loi du sport est impitoyable : toujours gagner ne suffit pas, ce sont les grands défis qui transforment les grands pilotes en légendes.
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